jeudi 24 mai 2012

N'imprimez cet article de blog que si nécessaire




Avec vous remarqué combien cette mention superfétatoire et son image champêtre attenante sont devenues à la mode dans nos univers professionnels ?
P Pensez environnement, n’imprimer que si nécessaire !


Vous êtes au boulot. Vous vous esquintez le fondement sur une chaise inconfortable, vous usez les yeux sur un écran trop petit et vous bousillez l’intelligence dans l’accomplissement d’une tâche improbable, le tout pour un salaire net mensuel qui suffit à peine à indemniser le préjudice moral subi.

Soudain, vous recevez un courriel. Le pollueur de boite mail situé à l’autre bout du tuyau s’ingénie à vous faire s’avoir à quel rouage de la Matrix il appartient, en vous  gratifiant d’une attache de signature longue comme la promesse de vente d’une bicoque en Normandie. Evidemment, il lui adjoint l’injonction environnementale. On ne sait jamais : des fois que vous seriez un imprimeur fou susceptible de dupliquer sa prose en 378 exemplaires avant de vous les carrer dans les oreilles ? Mieux vaut vous cadrer en amont, principe de précaution oblige.

A titre d’exemple, voici le style de communication importune reçue par mes soins par une matinée fraîche quoique printanière :
« Madame,
Auriez-vous l’amabilité de me rappeler l’horaire de la réunion qui se tiendra demain au sujet de la reproduction en captivité des grands singes du Zimbabwe.

D’avance merci,

OC2CTAA Jean-Pierre AMELOT
Sous-direction « Etudes et Prospective »
Bureau « Pilotage stratégique de la performance »
Section « contrôle de la qualité »
Chargé de mission  «innovation»
P Pensez environnement, n’imprimer que si nécessaire !  »


C’est sûr que pareille missive, vous vous retenez à grand peine pour ne pas l’imprimer, l’encadrer, et la claquer au mur. A moins bien sûr que vous ne choisissiez de l’apprendre par cœur, histoire d’exécuter sans délai l’ordre écolo-compatible proféré par le talentueux Monsieur Amelot.

Pour ma part, j’ai d’abord songé à lui faire la réponse suivante :
«  Monsieur,

La réunion est à 10h00. Veuillez noter par ailleurs qu’elle aura lieu en salle 372.

Cordialement

Coralie Delaume
Renseignements en tout genre
Chargée de mission  « se substituer à votre agenda »
P  Sauvez un arbre : bouffez un castor !  »



Finalement, peu désireuse de concourir pour le titre de « plus éco-citoyen que moi, tu meurs » j’ai opté pour le courriel ci-dessous : 
«  Monsieur,

La réunion est à 10h00. Veuillez noter par ailleurs qu’elle aura lieu en salle 372. Venez un quart d’heure avant, si vous souhaitez qu’on en parle en « face to face »  ;-)

Bien à vous,

Coralie Delaume
Ouverture 24 / 24
Avec ou sans rendez-vous
aDon’t be  snob : try zob in job ! »


Voilà. C'est tout pour aujourd'hui.
Sinon, quand je ne sniffe pas de la colle, je blogue plutôt sur l'arène nue.
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P Pensez environnement, n’imprimer que si nécessaire !

lundi 21 mai 2012

Un amour épistolaire de bien courte durée.




On s’imagine tout un tas de choses sur les relations épistolaires. C’est suranné, ça fait rêver. Ca réveille le bovarysme qui sommeille en chacune de nous. Mais l’occasion de jouer à ce jeu ne se présente pas si souvent. Quand elle advient, on tente donc d’exploiter le filon jusqu’au bout, quitte à être passablement déçue. Jugez plutôt.

Ce matin, je suis assise comme tous les lundis dans le fauteuil à roulettes qui sert de réceptacle aux huit heures d’ennui quotidien pour lesquelles on me rétribue. Il est tout juste 10h13 quand soudain, alors que je me prépare à faire infuser un « Lipton jasmin » pour m’occuper le bec à défaut de savoir comment m’occuper l’esprit, je reçois un SMS aussi étrange qu’inespéré :

-        T en nuisette ?

Le numéro m’est inconnu, mais le verbe « T » me rappelle vaguement les borborygmes qui défilent en rang d’oignons sur le mur Facebook de ma sœur adolescente.

Mon premier réflexe est toujours la colère : elle est incrustée dans mon caractère comme le bernard-l’hermite s’incruste dans une coquille qui ne lui a rien demandé. Je réponds tout à trac :
-        erreur de destinataire, patate !

L’adonis n’est pas farouche. Il est même plutôt poli, quoique dysorthographique :
-        Dsl. T ki ? (désolé, qui es-tu ?) ânonne-t-il.
-        Luc, je suis ton père ! lui réponds-je. La saga Star Wars ayant été diffusée 1 345 987 fois au cinéma et à la télévision. J’imagine qu’il a vu au moins l’un des six épisodes.
-        Je suis Mickaël, ton fils, me fait-il savoir, non sans humour.

J’allais écrire « LOL », voire « X.PTDR » pour être sûre de demeurer au bon niveau lorsque je me ravise et le questionne :
-        tu voulais joindre qui, exactement ?
-        Julie, pkoi ? (Julie, pourquoi ?)
-        Elle t’aura donné un faux numéro. Moi c’est Coralie, m’aventuré-je.
-        Je croyais que tt Luc… (je croyais que tu étais Luc) s’exclame le jeune inconnu, qui ne perd pas le Nord, me dis-je in petto.
-        C’était une blague. Référence à la Guerre des étoiles. Tu connais pas Dark Vador ??? le tancé-je à demi.
-        Nn dsl pkoi ? (non désolé pourquoi ?) questionne-t-il alors qu’il se fiche éperdument de la réponse si j’en juge par ce qui suit : « T habiller Coralie. G mis un boxer et toi ? Tu ve une photo en boxer ? »

Là, d’un coup, je sens le bovarysme m’abandonner cependant que mon Cyrano entre dans le vif de son sujet. J’ai l’impression  subreptice que ma love-story épistolaire ne survivra pas au printemps. Je réponds poliment malgré tout, parce que bon. Maintenant, on est presque intime, alors…

-        Non merci.
-        Tu préfères voir des seins ou une…. ? questionne-t-il, afin de s’assurer adroitement et l’air de rien qu’il a bien affaire à Coralie et non à Luc.
-        ou une quoi ?
-        Tu a déjà vu un XXXXX d’homme ?

Bon, ça tourne à l’aigre. Je comprends que cet éphèbe n’est pas prêt de me proposer de m’enlever sur un cheval blanc pour m’emmener dîner aux chandelles au MacDo de la Porte de Pantin. Je m’enquiers :

-        Tu as quel âge
-        25 a. Toi ? (25 ans, et toi ?)
-        Je ne te crois pas : tu as quinze ans !
-        25a. Pkoi, tu es mineure toi ?

Je réfléchis. Le plus simple serait peut-être de lui dire que j’ai 53 ans. Mais il risque ne pas me croire. Autre possibilité : lui laisser entendre qu’il est à la limite de la légalité. Je tente la seconde option :

-        oui
-        T kel age ?
-        13 ans

Ce qui nous fait théoriquement 12 ans d’écart. Là, je devrais avoir la paix.

-        T a de la poitrine ??

Non d’une pipe ! (si je puis me permettre). J’aurais mieux fait de me trouver un âge plus adéquat !

-        Non, lui réponds-je froidement.

Mais il n’en croit mot, et tient à se faire préciser à quel degré de « non » je me situe exactement :

-        tu met des soutif ?
-        Non pkoi fer ? (non, pourquoi faire : ça y est, je suis contaminée)
-        Mais tu as des poil sur le kor ? s’inquiète-t-il.
-        Uniquement sur le nez !

Je subodore que tout est fini car Mickaël l’aura compris : je suis un yéti de 13 ans couverte de poils sur le groin. Rien n’est possible entre nous. Je vais enfin pouvoir faire infuser mon Lipton…
-        tu ve voir une photo en boxer ?
-        NON ! textoté-je ulcérée.
-        Tu mé des strings ? outrepasse-t-il.
-        Oui, parfois, sur la tête !
-        MDR !! (mort de rire)

L’affaire n’est pas gagnée. Je vais devoir employer les grands moyens pour décourager l’importun. Peut-être même vais-je être contrainte de lui briser le cœur. Tant pis, je tente le tout pour le tout, et lui pose cette question, qui peut sonner le glas des relations les plus prometteuses :
-        tu es de droite ou de gauche ?
-        je ss de rien. Juste une vie meilleur et toi ?
-        Mais pour qui as-tu voté à la présidentielle ? Je ne sais pas pourquoi mais je sens en toi le radical valoisien contrarié ayant voté Sarkozy par défaut.
-        G voter blanc.

Immédiatement, le tonnerre de la passion naissante se tut pour laisser place à un silence cotonneux. Mon indomptable Alcibiade avait basculé sur Canal + pour mater un film X.

Je me demande bien, d’ailleurs, à quoi peut ressembler un porno radical valoisien. Une idée, cher lecteur ?

En tout cas, je n’eus plus jamais de nouvelle du talentueux Mickaël.

Voilà. C'est tout pour aujourd'hui.
Sinon, quand je ne sniffe pas de la colle, je blogue plutôt sur l'arène nue.
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